10 Points pour tout savoir ou presque de l’Agence Française Anticorruption (AFA)

L’Agence Française Anticorruption (AFA), acteur national de la prévention et de la détection des atteintes à la probité, vient de publier son rapport d’activité 2024 – accessible sur son site – qui met en lumière après huit ans de fonctionnement sa capacité d’action (l’AFA a engagé 165 contrôles à l’encontre des acteurs économiques depuis 2017 et 101 contre les acteurs publics depuis 2018), ainsi que son utilité croissante dans le contexte actuel où la lutte contre la corruption est un enjeu international (une proposition de Directive pour la lutte contre la corruption est actuellement en cours de négociations).  L’AFA dont l’action pour assurer la probité des JO de Paris de 2024 a été valorisée au niveau international, a ainsi été chargée par son autorité de tutelle de mener une analyse sur les risques de corruption dans les zones portuaires, ce qui l’a conduit à émettre des recommandations qui ont servis lors de l’élaboration de la loi sur la lutte contre le narcotrafic du 13 juin 2025. Ceci démontre à quel point la mission de l’AFA est fondamentale et justifie d’en connaître les rouages. Voici donc 10 points pour tout savoir ou presque de l’AFA :

  1. Création de l’AFA : la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « loi SAPIN II », a créé l’AFA qui est un service à compétence nationale placé auprès du ministre de la justice et du ministre chargé des comptes publics. L’AFA comptait 52 agents en 2024.
  2. Rôle de l’AFA : Aider les autorités compétentes et les personnes qui y sont confrontées à prévenir et à détecter les faits de corruption, de trafic d’influence, de concussion, de prise illégale d’intérêt, de détournement de fonds publics et de favoritisme. 6 délits d’atteinte à la probité sont concernés (nb : les acteurs privés ne sont concernés que par les seuls délits de corruption et de trafic d’influence)
  3. Personnes concernées : les acteurs publics (région, département, fédération  association, fondation, société mixte…) et les entreprises employant au moins 500 salariés et réalisant un CA Moyen > 100 millions d’euros(article 17 de la loi).
  4. Dispositif anticorruption : les personnes assujetties doivent mettre en place un dispositif anticorruption couvrant la prévention (code de conduite, formation, évaluation des tiers), la détection (alerte interne, contrôle notamment contrôle comptables) et la remédiation (définition des mesures correctives, régime disciplinaire) qui suppose pour fonctionner la connexion des 3 piliers suivants : l’engament de la direction, une cartographie des risques (risques réels, être exhaustif, ne pas oublier la corruption active) et la gestion des risques.
  5. Contrôle de l’AFA : Les contrôles de l’AFA visent à s’assurer de l’existence, de la qualité et de l’efficacité des mesures et procédures destinées à prévenir et à détecter les atteintes à la probité. 3 catégories de contrôles de l’AFA : les contrôles diligentés à l’initiative du directeur de l’AFA, les contrôles de l’exécution des mesures judiciaires imposant la mise en œuvre d’un programme de mise en conformité (convention judiciaire d’intérêt public et peine de programme de mise en conformité) et à sa demande, les contrôles de l’exécution des décisions d’injonction de mise en conformité de la commission des sanctions. Il s’agit avant tout de la prévention.
  6. Procédures de contrôle : Définie dans la charte des contrôles, elle s’articule autour des 3  phases suivantes : (i) opérations de contrôle sur pièces et sur place, (ii) établissement et transmission à l’entité contrôlée d’un rapport de contrôle développant les observations, les éventuels constats de manquement pour les entités assujetties, et les recommandations y afférentes et (iii) une phase contradictoire d’une durée de deux mois, où l’entité est invitée à transmettre un projet de plan d’action précisant les modalités et le calendrier des actions envisagées pour répondre aux recommandations formulées dans le rapport intermédiaire et désignant les personnes responsables de leur mise en œuvre. Au cours de cette phase, il est recommandé à l’entité contrôlée de faire valoir ses observations écrites et de solliciter un entretien avec le directeur de l’AFA, ce qui est en général apprécié, sachant que les observations, recommandations et éventuels constats de manquement sont arrêtés à la date de la réponse de l’entité qui doit intervenir dans ce délai de 2 mois. A l’issue de cette phase contradictoire, le rapport (éventuellement modifié) comprenant en annexe, le plan d’action validé par l’AFA ainsi que l’analyse des réponses transmises par l’entité contrôlée, devient définitif et est notifié à l’entité contrôlée, étant précisé qu’il n’y a pas délai fixé pour cette notification qui en pratique peut prendre plusieurs mois.
  7. Issues des contrôles de l’AFA : s’agissant des entreprise relevant de l’article 17, l’issue du contrôle peut donner lieu i) à une clôture si tout est en règle, ii) à l’envoi d’un avertissement par le Directeur de l’AFA aux représentants de l’entité contrôlée les invitant à mettre en œuvre les recommandations reprises dans le plan d’action joint au rapport dans un délai déterminé (un suivi est assuré et en cas de manquement, l’AFA peut saisir la commission des sanctions) ou iii) à la saisine directe de la commission des sanctions en cas de grosse défaillance.
  8. La Commission des sanctions : composée de six membres désignés pour 5 ans, elle est chargée de prononcer les sanctions mentionnées au IV de l’article 17 à savoir : enjoindre à l’entité et à ses représentants d’adapter les procédures de conformité internes destinées à la prévention et à la détection des faits de corruption ou de trafic d’influence ; infliger une amende aux PP mises en causes et à la PM, dans la limite de 200.000 € pour les PP et 1.000. 000 € pour les PM. La commission des sanctions peut aussi ordonner la publication, la diffusion ou l’affichage de la décision d’injonction ou d’amende. Les frais de cette publicité sont à la charge des personnes sanctionnées.
  9. La convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) : il s’agit d’une procédure transactionnelle alternative aux poursuites pénales applicable aux personnes morales mises en cause pour des faits de corruption, trafic d’influence, fraude fiscale, blanchiment de ces délits et toute infraction connexe, qui a pour effet d’éteindre l’action publique si la personne morale exécute les obligations auxquelles elle s’est engagée dans la convention.
  10. Nouvel organigramme de l’AFA depuis le 1er /12/2024 pour avoir une approche plus ciblée : il comprend la commission des sanctions, un conseil stratégique, une sous-direction dédiée aux acteurs publiques divisée en deux départements (« secteur public local » et « acteurs étatiques, associations et fondations reconnues d’utilisé publique ») et l’autre aux acteurs économiques, cette dernière ayant conservé la division entre contrôle et conseil. Les informations échangées dans le cadre du conseil ne sont jamais utilisées pour les contrôles.

Il est enfin utile de rappeler que les institutionnels, tels que les banques et les assurances, déjà soumis à des obligations réglementaires notamment en matière de LCB/FT, ne sont pas pour autant dispensés du respect des obligations issues de la loi SAPIN 2, de sorte qu’ils doivent veiller à disposer d’un dispositif anticorruption conforme et efficace.

Aurélien GAZEL

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