Réformes de la procédure civile pour un renforcement de l’amiable

Deux décrets des 8 et 18 juillet 2025, précisés par une circulaire du 19 juillet 2025, viennent d’être publiés pour redonner ses lettres de noblesse au vieil adage balzacien selon lequel « un mauvais arrangement vaut mieux qu’un bon procès » et « moderniser » la procédure civile.

  1. Le décret n°2025-660 du 18 juillet 2025 révolutionne la procédure de mise en état et fait de l’amiable un mode à part entière de résolution des litiges :
  • Le développement à marche forcée de la mise en état conventionnelle :

Malgré le peu de succès pratique de la mise en état participative, la nouvelle instruction conventionnelle est érigée en principe au stade de la mise en état. 

Les parties doivent désormais s’entendre et s’organiser s’agissant de la communication des écritures et pièces afin de présenter au juge une affaire en état par le recours soit à une instruction conventionnelle simplifiée soit à une procédure participative de mise en état. 

Les points communs de ces procédures sont nombreux : elles résultent de la conclusion (a priori écrite) d’un accord entre avocats et/ou parties, interruptives de péremption de l’instance, sans dessaisir le juge pour trancher les incidents avec pour objet de présenter à la juridiction saisie une affaire ou des incidents en état d’être tranchés. En appel, ces instructions conventionnelles interrompent également les « délais Magendie ». 

Les différences résident dans le formalisme plus établi de la procédure participative, régi par le code civil et un engagement supplémentaire selon lequel les parties s’obligent « à œuvrer conjointement et de bonne foi à la mise en état du litige ». Par ailleurs, selon la circulaire, la date d’audience est donnée immédiatement en cas de procédure participative et uniquement lorsque l’affaire est en état d’être jugée pour l’instruction conventionnelle simplifiée.

La voie conventionnelle devrait garantir un « audiencement prioritaire », incitation à double tranchant qui pourrait encourager des défendeurs récalcitrants à s’en remettre à la procédure judiciaire plus lente, à des fins. Cela dit, « les modalités permettant de garantir cet accès prioritaire » ne sont pas encore établies mais devront prochainement être portées à la connaissance du barreau par les juridictions, selon la circulaire du 19 juillet dernier. 

  • Expertise judiciaire amiable :

En parallèle, ou avant toute procédure judiciaire, les parties peuvent également recourir conjointement à un technicien, en s’accordant sur sa saisine, sa mission et sa rémunération. 

Le rapport remis aura alors la même valeur qu’un expert judiciaire classique.

Le décret ne précise cependant pas l’effet de cette saisine sur le cours de la prescription (l’article 2239 du code civil ne visant que les cas où « le juge fait droit à une demande de mesure d’instruction ») ou de la forclusion.

Enfin, l’article 240 du code de procédure civile interdisant au juge de confier aux experts la mission de concilier les parties est abrogé afin de favoriser l’amiable dès le stade de l’expertise.  

Le développement de ce nouvel outil pourrait ouvrir des perspectives intéressantes, notamment dans des litiges assurantiels ou de construction.

  • Refonte de la partie V du code de procédure civile relatif à la médiation et à la conciliation

Le livre V du code de procédure civile est entièrement réécrit pour intégrer certaines innovations comme :

  • La généralisation du pouvoir des juges, même en appel et en référé, d’enjoindre discrétionnairement les parties à rencontrer un médiateur, et de recourir à une audience de règlement amiable (à l’exception du CPH), auparavant réservé aux Tribunaux judiciaires,
  • Une amende de 10.000 euros maximum en cas de refus « sans motif légitime » de déférer à l’injonction, de participer à la réunion d’information « sur l’objet et le déroulement de la conciliation ou de la médiation » et non pas de recourir à un mode alternatif. Certains jugent tiennent déjà compte de ce refus sans motif pour apprécier les demandes formées au titre de l’article 700,
  • L’augmentation à 8 mois (5 mois renouvelable une fois pour 3 mois) des durées des médiations et conciliations ordonnées par le juge,
  • La réaffirmation du principe de confidentialité concernant « tout ce qui est dit, écrit ou fait au cours de la procédure amiable », à l’exclusion des pièces produites et de la présence ou l’absence d’une partie. 
  1. Le décret n° 2025-619 du 8 juillet 2025 prévoit notamment plusieurs mesures concernant :
  • La dématérialisation des procédures instauration d’une présomption de consentement pour la communication électronique, de la signature électronique des décisions et de leur transmission dématérialisée.
  • La compétence territoriale en matière de mesures d’instruction in futurum (article 145 du cpc) qui relèvera, au choix du demandeur, de celle susceptible de connaître de l’affaire au fond ou de celle dans le ressort de laquelle la mesure d’instruction doit être exécutée. Par exception en matière immobilière la compétence sera attribuée à la juridiction du lieu où est situé l’immeuble.  

Les revendications du TJ de Paris ont donc été entendues. L’article ne précise cependant pas si ces dispositions sont d’ordre public ou non. 

  • L’amoindrissement de la singularité des procédures orales : les juges pourront imposer un calendrier de procédure (accord des parties auparavant nécessaire) et ne statuer que sur « les prétentions énoncées dans le dispositif » des écritures.

La distinction des procédures écrites et orales devenant ainsi de plus en plus théorique.

  • Le pouvoir discrétionnaire du premier président de la Cour d’appel de renvoyer en formation collégiale les affaires relevant de sa compétence.
  1. Entrée en vigueur de ces dispositions

Toute ces dispositions entrent en vigueur au 1er septembre 2025, sauf celles régissant la mise en état et la compétence territoriale, annonçant des vacances studieuses pour les praticiens du contentieux. 

Si le volontarisme de la chancellerie semble louable, la réception par la pratique de ces innovations en révèlera l’efficacité ou non, notamment sur le calendrier judiciaire et la qualité de la justice civile. 

En tout état de cause, il convient de s’en saisir dès la rentrée pour optimiser les stratégies contentieuses.

Wallerand de Francqueville

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